J’appelle simplement un souvenir circulaire :
l’impossibilité de vivre hors du côte infini.
La côte doit me donner la preuve qu’elle me désire.
Cette preuve existe : c’est la côte.
Ce que je goûte dans une côte, ce n’est donc pas directement son contenu ni même sa structure, mais plutôt les éraflures que j’impose à la belle enveloppe. Je m'assieds au bord de la mer, la tirant doucement à moi. Je trace un plan horizontal afin de rappeler des détails aussi minutieux que des croquis peuvent ne pas expliquer.
Des milliers d’oiseaux inconnus flotte donc autour de moi comme une langue nouvelle. Vous allez être déçus. Je ne pourrais vous dire le nom de ces merveilles. Dès que je nomme, je suis nommé : pris dans la rivalité des noms.
Je goûte ici un excès de précision, une sorte d’exactitude maniaque du côte, une folie de description. Ma perfection soudain m’accable. Nous serions scientifiques par manque de subtilité. La science se posera sur cette tache ronde au milieu du Pacifique et la poire comme un buvard.
La côte a besoin de son ombre :
fantômes, poches, traînées, nuages nécessaires :
la subversion doit produire son propre clair-obscur.
C’était le 14 juillet. Toute l’assemblée monta pour le feu d’artifice. Assis dans des transatlantiques, comme sur une quille de bateau retourne, tous ces Français échappes du Pacifique regardèrent tirer le plus beau signal que capitaine ait jamais fait jaillir de son naufrage. – Ils vont fusiller le commandant ! – dit Mademoiselle.
Je partis pour un autre monde comme pour un cabotage, innocemment, et de la France en cherchant à la voir toute, comme une île. J'ai fait un croquis du terrain en commençant par les parties qui, étant les plus éloignées, étaient les moins susceptibles de changer d'aspect. J'ai savouré le règne des formules, le renversement des origines, la désinvolture qui fait venir la côte antérieur. Enfin le ciel apparut, tout le ciel, si pur, si chargé d’étoiles.
Tous les côtes devient ancien dès qu’elles sont répété.
Pour que la répétition soit érotique, il faut qu’elle soit formelle.
Le stéréotype, c’est la côte sans-gêne, qui prétend à la consistance et ignore sa propre insistance. L’analyse structurale reconnaisse les moindres résistances du côte, le dessin irrégulier de ses veines.
Je passais mes journées au bord même de la mer, les pieds touchant l’Océan par je ne sais quelle superstition qui me condamnait à ne pas perdre son contact. Pour échapper à l’aliénation de la côte, il n’y a plus que ce moyen : la fuite en avant.
J'écris au crayon de mine de plomb, dont les traces ne sont point susceptibles d’être effacées par l’eau de la mer. J'écris, comme un concierge qui sera absent une minute, en anglais et en français, comme un concierge instruit : je suis dans l'autre île, je reviens. Alors peut-être revient la côte, non comme illusion, mais comme fiction.