Pixelware, une sublime forgerie iest un projet réallisé en collaboration par Dazibao, France Choinière et Marisa Portolese, et Gallery 44, Sara Angelucci et Elaine Whittaker. Dazibao - centre de photographies actuelles Montreal, January 6 to February 5, 2005. Gallery 44 - centre for Contemporary Photography Toronto, February 10 to March 10, 2005. Brochure texts by J. R. Carptenter, traduction: Colette TougasMathieu Bernard-Reymond -Disparitions Je suis allée et venue, allée et venue, et, comme un rêve récurrent, l'horizon a tenu bon. Je n'ai su qu'après jusqu'où j'étais allée. Je suis revenue sur mes pas et j'ai trouvé de faibles traces, non pas de moi, mais d'où j'étais allée. Je suis allée et venue, tout s'érodait. Les chemins de chaque jour ont entrecroisé ceux du dernier. Le ciel est devenu si grand qu'il ne pouvait plus grandir, peu importe mon recul. Je suis venue non pour voir ce que j'avais vu mais ce dont je croyais me souvenir. La plage s'est bondée; elle s'est vidée puis s'est remplie à nouveau. Un paragraphe d'oiseaux a gribouillé des phrases grises sur le sable couleur de parchemin. Les oiseaux se sont apeurés, se sont envolés, se sont levés en masse, et ont changé de cap en décrivant un arc, les ailes en signes de ponctuation. Et puis ils se sont posés à nouveau, atterrissant dans leurs propres empreintes comme si de rien n'était. Je suis allée et venue, suis revenue et tout avait changé. Mes empreintes n'étaient pas là où je les avais laissées. La marée descendait et descendait. J'ai marché le long du bord effrangé de l'eau. L'horizon gardait ses distances, zieutant, fin comme une lame. Sze Lin Pang - Coffee, Tea or Me Je suis toujours moi-même et quelqu'un d'autre en plus. Je marche dans la rue et me regarde marcher. M'en allant à ta rencontre, je me demande : à mon arrivée, que verras-tu ? J'arrête au coin de la rue au feu de circulation. Une femme passe, portant un manteau que j'ai failli acheter, mais que je n'ai pas acheté. Sans poches. Je ne sais que faire de mes mains. Je ne sais sur quel pied danser. Pourquoi ai-je mis ces souliers ? Le feu change. Je suis pressée maintenant, sans vraie raison. Mes cheveux se chamaillent; ils sont trop désireux de plaire. Je passe à toute vitesse devant les vitrines des boutiques. Ma réflexion m'emboîte le pas. D'imposants mannequins me toisent du haut de leur grâce de marbre. Au café, je m'assois à la fenêtre et me regarde attendre. Je vois à travers mon visage, ma tenue soignée, mon mince déguisement. Rien sur le menu ne me semble bon. Au téléphone, tu as dit : " Allons prendre un café ". " Bien sûr ", que j'ai dit. Même si tu sais que je ne bois que du thé. Je répète et corrige ton entrée une douzaine de fois, ajustant dans ma tête la luminosité, le contraste, la teinte et la saturation. Et puis te voilà - d'une mise si parfaite que je ne te vois même pas au départ. Vite, je me copie/colle un sourire. Ma réflexion dans la fenêtre fait de même. Sylvia G. Borda - Minimalist Portraits Des corps lumineux se déplacent dans l'infinité dénudée de l'espace. Nous observons - c'est notre nature. Nous classons, évaluons et analysons le spectacle de la lumière. La lumière met tellement de temps. L'avènement véritable de nos origines nous échappe. L'univers réel est toujours déphasé. À travers des trous d'épingle dans le ciel nocturne nous regardons des étoiles qui n'existent plus. Et nous attendons et attendons une lumière qui viendra d'étoiles trop jeunes pour que nous puissions les voir. La lumière change en voyageant. Elle ploie sous la gravité et souffre de fatigue. Regarde-toi dans le miroir. L'image de ton visage est déjà plus vieille que toi ; elle a perdu du temps. Ton visage dans le miroir est un fossile de lumière, déformé par sa vélocité. Nous naissons. Nous mourons. Entre les deux, nous voyageons dans un univers pris dans la relativité. La lumière nous dépasse à une vitesse presque infinie. Presque, mais pas tout à fait. Qu'y a-t-il au delà de la lumière ? De l'énergie pure. Qu'est-ce qui ne bouge pas du tout ? La noirceur totale. Le zéro absolu, c'est la lumière qui se retourne sur elle-même, l'infinie immobilité. Seule la pensée peut se déplacer instantanément. Non entravés par la vitesse ou le temps ou la gravité, nos esprits filent dans l'univers sombre à la recherche de lumière. Penelope Umbrico - Mirrors (from Catalogues) Obsédée par l'intérieur des maisons des autres, ma mère m'entraîne pour aller voir à chaque fois que quelqu'un de nouveau aménage sur notre rue. " Touche à rien ", me dit-elle avant d'appuyer sur la sonnette. Notre nouvelle voisine ouvre la porte, souriante comme une animatrice de télévision, et nous guide de pièce parfaite en pièce parfaite. Il y en a que nous n'avons pas chez nous : un bureau, un garde-manger et même un solarium - allez savoir à quoi ça sert. Elle est maintenant allée chercher des rafraîchissements dans sa cuisine dernier cri. On entend le verre contre le granite, la glace et l'acier inoxydable. Nous sommes assises sur le bord d'un divan flambant neuf, à attendre. Ma mère me lance un regard : " Ne te mets pas d'idées dans la tête. " Elle se mord la lèvre, tripote les tissus de tous les meubles qui sont à sa portée et scrute la pièce à la recherche de photographies, de touches personnelles, d'indices. La table à café en verre semble dangereuse : elle appelle les empreintes digitales. La bibliothèque est remplie de magazines. Le foyer est rempli de fleurs. Les coussins sont trop propres, trop astucieusement disposés. Sur chaque surface reluisante, je cherche un chemin d'évasion. Si je le pouvais, je ramperais directement à travers l'écran de la télé, sortirais par la fenêtre en saillie, monterais dans la cheminée. Je veux érafler les plinthes, crayonner des arbres le long des lambris, réarranger la bibliothèque et ouvrir tous les tiroirs. Mais je n'essayerai pas. Je fais de mon mieux pour bien me tenir. Ma mère espère toujours impressionner notre nouvelle voisine. ENGLISH | |
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